L’espace public en feu!

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Date: 1 septembre 2017
Auteur: Daniel Nadeau

Il n’y a pas de doute, les questions de l’immigration et des migrants, de la montée d’une extrême-droite ainsi que l’incident de l’automobile incendiée à Québec ont enflammé l’opinion publique québécoise. Il s’est ajouté à cela les gestes violents de Charlottesville aux États-Unis ainsi que le mouvement initié en Ontario pour débaptiser une école du nom de John A. Macdonald. Tout cela crée un contexte favorable à des discours publics extrêmes qui frisent trop souvent une certaine forme d’intolérance.

Cette semaine, à Memphis au Tennessee, toujours chez nos voisins américains, on a retiré de la programmation le film qui a remporté dix oscars en 1949, Autant en emporte le vent. Voici ce qu’en disait la manchette du Figaro de France : « Deux semaines après la tragédie de Charlottesville, un cinéma de Memphis a suspendu sa projection annuelle du film de Victor Fleming sorti en salles en 1939, estimant que cette œuvre aux dix Oscars, qui plonge dans la Guerre de Sécession, était insensible au public afro-américain. »

Il n’y a plus de limites à l’intolérance qui parfois revêt les habits du politiquement correct et qui juge les œuvres d’hier avec les valeurs d’aujourd’hui. Une attitude qui risque de nous faire basculer dans un monde orwellien et sous la dictature de la pensée correcte. Certes, il ne faut pas glorifier le racisme, ni la discrimination pas plus que l’exclusion. Il faut cependant manipuler avec soin ces sujets, car cela risque de prendre des proportions insoupçonnables.

Sans vouloir verser dans l’exagération et la démagogie, ces événements me rappellent un autre film. Un film réalisé en 1966 par le talentueux François Truffault d’après l’œuvre de Ray Bradbury intitulé Fahrenheit 451. En voici le synopsis : « Dans un pays indéfini, à une époque indéterminée, la lecture est rigoureusement interdite : elle empêcherait les gens d’être heureux. La brigade des pompiers a pour seule mission de traquer les gens qui possèdent des livres et de réduire ces objets en cendres. Guy Montag, pompier zélé et citoyen respectueux des institutions, fait la connaissance de Clarisse, une jeune institutrice qui le fait douter de sa fonction. Peu à peu, il est à son tour gagné par l’amour des livres. »  Plus encore, une police de la pensée existe et il traque des rebelles qui ont pour caractéristique d’apprendre un livre par cœur devenant ainsi des livres vivants et prenant pour identité le nom de l’auteur ainsi mémorisé comme Platon, Machiavel et de nombreux autres. Un film qui m’avait bouleversé lorsque je l’ai vu pour la première fois alors que j’étais encore un enfant.

Convenons parce que ce n’est pas l’habitude de la maison, je n’affirme pas que nous sommes près de la situation décrite par le film de Truffault. Il n’en reste pas moins que des manifestations d’intolérance qui s’expriment en se prenant à des œuvres célébrées en d’autres époques risquent de nous mener à la censure. Cela serait fort dommage pour le trésor culturel de l’humanité. Vouloir se servir de ces œuvres aujourd’hui répudiées, comme Autant en emporte le vent ou pourquoi pas la célèbre série télévisée Roots d’Alex Haley, pour faire de la pédagogie et mesurer la distance entre des époques différentes dans le temps est une chose. Censurer le passé au nom de nos valeurs actuelles est une dérive dangereuse qui mène tout droit à la dictature de la pensée.

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