Claire Kirkland-Casgrain : funérailles nationales

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Date: 6 avril 2016
Auteur: Daniel Nadeau

Ainsi donc, les premières funérailles nationales d’une femme au Québec ont eu lieu. Le weekend dernier, le Québec a célébré la mémoire et l’œuvre de madame Claire Kirkland-Casgrain. Il était temps que l’on célèbre une femme. Encore que cet événement si attendu a été un peu entaché par les débats relatifs à l’affaire Hamad et aux questions d’éthiques relatives au financement des partis politiques. Cela frisait l’indécence qu’en cette journée pour se rappeler le parcours d’une femme émérite, on entende le premier ministre Couillard commenté l’affaire Hamad.Claire Kirkland-Casgrain

Quelle injustice pour la mémoire de cette femme et de toutes les femmes du Québec qui sont toujours ignorées dans notre histoire? C’est madame Micheline Dumont, professeure d’histoire à l’Université de Sherbrooke, qui m’a la première sensibilisée à ce voile opaque sur l’histoire des femmes. Jeune étudiant en histoire, je fus rapidement convaincu de la justesse de ses propos et je compris alors que les femmes méritaient un meilleur sort dans notre récit historique.

Si madame Kirkland-Casgrain a mérité des funérailles nationales, c’est qu’elle représentait un puissant symbole de réussite de la lutte des femmes au Québec pour la reconnaissance de leur égalité. Elle qui fut la première femme élue à notre assemblée nationale et la première femme ministre dans un gouvernement du Québec. Elle a aussi, je l’écrivais dans un billet ici la semaine dernière, fait reconnaître le droit des femmes à une existence juridique propre.

L’œuvre de madame Claire Kirkland-Casgrain a été le résultat d’une longue lutte des femmes qui a débuté au début des années 1920. Si les Canadiennes ont obtenu le droit de vote en 1918, il faut rappeler que les Québécoises n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1940. Le Québec fut le dernier endroit au Canada où les femmes ont obtenu le droit de vote.

Ce combat a été amorcé par Marie-Guérin Lajoie et poursuivi par Idola St-Jean et Thérèse Forget-Casgrain. Ce ne fut pas facile d’obtenir le droit de vote. En 1935, le premier ministre libéral d’alors, Louis-Alexandre Taschereau a fait de l’opposition au droit de vote des femmes une ligne et un vote de parti. Cinq ans plus tôt, pour gagner du temps et conforter son opposition, par pur opportunisme politique, Taschereau crée une commission d’enquête, la Commission Dorion composée de cinq hommes… Sans surprise, le rapport de la commission Dorion s’opposera à la théorie des droits égaux pour les femmes et plaidera plutôt pour le maintien des traditions.

Le combat des femmes pour l’obtention d’une plus grande égalité a été parsemé d’embûches dans tous les domaines de l’activité humaine. C’est pourquoi j’ai trouvé indécent que le jour des funérailles nationales de celle qui a réussi à faire disparaître l’incapacité juridique des femmes par une Loi de l’Assemblée nationale, on discute de l’affaire Hamad. Comble d’ironie, cette affaire Hamad provient du travail d’enquête de deux journalistes femmes. Les femmes du Québec et surtout madame Kirkland-Casgrain méritaient mieux…

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