Les médias sociaux : des outils de formation de l’opinion publique?

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Date: 31 octobre 2016
Auteur: Daniel Nadeau

La prolifération des médias sociaux et leur influence de plus en plus marquée dans nos vies pourraient laisser croire qu’ils jouent dorénavant un rôle majeur dans la formation de nos opinions sur de nombreux sujets. Est-ce que les médias sociaux sont de puissants outils pour forger l’opinion publique? Médias sociaux-opinion publiqueLoin de là malgré les apparences…

Il faut d’abord prendre acte dans la foulée de l’étude du Groupe de recherche en communication politique de l’Université Laval que les chercheurs sont très divisés sur la question. L’étude réalisée par Virginie Hébert, Gabrielle Sirois et Émilie Tremblay-Potvin sous la direction de Thierry Giasson du département de sciences politiques de l’Université Laval constate un écart entre les chercheurs sur la question de l’importance des médias sociaux sur la formation de l’opinion publique.

« La recension des écrits sur les effets des médias dans l’actuel contexte du Web 2.0 nous permet de constater les nombreux fossés qui divisent toujours les chercheurs de ce vaste champ de recherche. Si la plupart s’entendent pour constater l’état de fragmentation de l’environnement médiatique, un écart subsiste entre les tenants d’une thèse des effets limités des médias et ceux, qui prétendent, au contraire, qu’existent d’importants effets sur la formation de l’opinion publique. En outre, les chercheurs présentent d’importantes divergences quant à la teneur de ces effets. Certains concluent à l’impact mobilisateur des nouveaux médias, alors que d’autres affirment qu’ils contribuent à l’accroissement des écarts sociaux. » (p. 33)

La principale difficulté tient selon les chercheurs à l’individualisation des contenus, ce qui rend très problématiques la production d’effets médiatiques et les moyens de les mesurer. On note aussi que l’abondance de choix conduit à une inégalité de l’acquisition de l’information politique et à un accroissement des écarts de connaissance et de mobilisation. D’autre part, le mécanisme même des algorithmes régissant la vie des médias sociaux crée un effet d’exposition sélective, ce qui vient contribuer à une plus grande polarisation des opinions et rend très difficile la création de conditions propices au véritable dialogue imaginé par Jurgen Habermas.

Il faut aussi noter que l’influence des médias sociaux « en soi » demeure marginale, car lorsque de l’information politique diffusée sur les médias sociaux parvient à avoir un impact important c’est parce qu’elle a été relayée par le biais des médias traditionnels. En clair, pour bénéficier d’une large couverture par le Web, il faut avoir de l’audience auprès des médias traditionnels, sans quoi, cela demeure marginal.

Outre le phénomène de polarisation des opinions, le Web entraîne un renouvellement de la participation politique des citoyens et cela leur donne un rôle plus important qu’avant dans la définition de l’agenda public des médias. Il faut aussi noter que la nouvelle donne générée par le Web favorise une plus grande transparence et vient faciliter l’engagement politique des citoyens.

Il faut néanmoins rappeler que cette médiatisation du monde réel dans le monde virtuel vient aussi accélérer le désenchantement politique de larges secteurs de la population tout en favorisant la circulation d’informations souvent fausses dans l’arène démocratique. On ne reconnaît plus la valeur d’aucune autorité ou de filtre au nom de la sacro-sainte transparence et la participation citoyenne.

Les recherches actuelles des effets du Web 2.0 sur la formation de l’opinion publique en sont à leurs balbutiements. De nombreux défis attendent les chercheurs. Le plus grand défi demeurera cependant de conserver en nous cette faculté de faire naître le dialogue et les conversations démocratiques dans une société de plus en plus polarisée. C’est un grand défi qui attend la démocratie du 21e siècle…

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