L’indépendance des médias

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Date: 16 mai 2017
Auteur: Daniel Nadeau

En cette époque de réalité post-factuelle où les théories du complot ont la côte. Dans un monde où règne les fake news selon le monde de Donald Trump et où les principaux porte-parole du gouvernement du Québec accusent à mots plutôt découverts l’empire Québecor de vouloir faire la peau du gouvernement sous l’ordre de leur omnipuissant propriétaire, Pierre Karl Péladeau, il n’est pas sans intérêt de rappeler que le quotidien Le Devoir est un vrai journal indépendant et que cela s’explique par son histoire.

Dans un article récent publié dans le volume 70, no 3, hiver 2017 de la Revue d’histoire d’Amérique française, les professeurs Marie-Eve Carignan de l’Université de Sherbrooke et Claude Martin de l’Université du Québec à Trois-Rivières évoque le rôle fondamental joué par le quotidien Le Devoir durant le 20e siècle dans la société québécoise. En étudiant le tirage de ce journal quotidien et de son lectorat ainsi que de sa distribution géographique, les auteurs peuvent mesurer toute l’influence qu’a eue ce journal dans la vie du Québec. Son faible tirage contraste avec sa large influence dans nos débats d’idées et dans la vie politique contemporaine du Québec. Son lectorat comporte une large partie de l’élite québécoise, mais sans être absent d’autres classes de la société québécoise. Les auteurs notent aussi que le lectorat hors du Québec tend à diminuer au début du 21e siècle. C’est à l’image de la société québécoise qui voit elle aussi son influence diminuée au sein du Canada.

Fondé en 1910 par Henri Bourassa, Le Devoir avait pour objectif d’être un quotidien libre et indépendant tout en menant le combat contre les gens malhonnêtes. Henri Bourassa avait alors écrit que « Le Devoir appuiera les honnêtes gens et dénoncera les coquins » (Carignan Marie-Eve, et Claude Martin. « Analyse de statistiques historiques sur le lectorat du quotidien québécois Le Devoir de 1910 à 2000 » Revue d’histoire d’Amérique française, vol 70 no 3 hiver 2017, p. 56).

Ce qu’il faut surtout noter c’est que malgré son parti pris idéologique pour l’Église catholique romaine, Le Devoir demeura indépendant de l’Église au moment de sa fondation. Cette indépendance est inscrite dans son ADN organisationnel. Elle perdure encore aujourd’hui. Lisons les auteurs à ce sujet : « La notion d’indépendance du journal mérite une explication. D’un point de vue juridique ou économique, une entreprise est indépendante si aucune autre ne possède la majorité des droits de vote conférés par la propriété d’Actions émise par cette entreprise. De ce point de vue, Le Devoir est bien un journal indépendant, contrairement à La Presse et au Journal de Montréal qui appartiennent à des conglomérats. Dans le cas d’un média d’information, cette caractéristique est importante, car on peut soupçonner, à tort ou raison, que le traitement de l’information pourrait être influencé par la propriété du journal » (Loc. cit.)

Tout cela pour dire que la croisade du Bureau d’enquête de Québecor Média contre le gouvernement corrompu serait beaucoup plus crédible si elle était menée par le quotidien Le Devoir. On ne peut certes pas accuser l’actuel directeur du journal Le Devoir, qui a tous les pouvoirs de l’actionnariat, de complaisance envers le gouvernement libéral. Il fut parmi les pourfendeurs les plus insistants devant les rumeurs de malversations et de liens entre le financement des partis politiques et les contrats gouvernementaux. Il est aussi l’un des défenseurs les plus acharnés de la Commission Charbonneau et parmi les plus sceptiques quant à l’absence de liens entre les contrats du gouvernement et le financement des partis politiques.

Néanmoins, même s’il est convaincu que c’est le devoir du DPCP et de l’UPAC de faire la lumière le plus vite possible sur les allégations qui circulent et qui font tort à la démocratie au sujet de traitement de faveur potentiel pour les puissants, il invite quand même à la prudence. Il est circonspect devant les allégations lancées par le président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur. « Les difficultés rencontrées par l’UPAC dans ses enquêtes sur le financement illégal du PLQ suscitent bien de la méfiance et des interrogations, mais peu de gens se sont aventurés aussi loin que M. Francoeur. Ce policier d’expérience sait qu’il joue gros. Si ses déclarations s’avèrent non fondées, les répercussions sur sa carrière seront catastrophiques. Il pourrait faire lui-même l’objet d’une enquête pour méfait public. Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a d’ailleurs souligné la gravité du geste posé par M. Francoeur. Sa sortie a suscité un malaise qui déborde des rangs libéraux. »

C’est comme les propos des libéraux qui accusent Pierre-Karl Péladeau et son empire de chercher à les détruire. Un profond malaise s’installe et ce n’est pas bénéfique à notre vie démocratique.

Heureusement qu’il y a chez nous un quotidien indépendant comme le Devoir qui défend le travail des journalistes du bureau d’enquête de Québecor. Ce qui signifie que tous devront se hâter pour que l’on en finisse une fois pour toutes avec ces histoires de corruption et de financement des partis politiques pour que l’on puisse s’intéresser enfin aux vraies affaires par exemple le déclin de la nation québécoise et des Canadiens français dans le Canada d’aujourd’hui qui fête ses 150 ans sans nous ou presque…

 

 

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