La révolution Web et l’information, le triomphe de la culture de l’ignorance?

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Date: 2 août 2017
Auteur: Daniel Nadeau

Les journaux imprimés ont accompagné nos ancêtres depuis la fin du 19e siècle. Souvent fief de partis politiques, il aura fallu attendre la première moitié du 20e siècle pour que ceux-ci deviennent ce qu’ils sont aujourd’hui soit de grands catalogues d’informations diverses avec des sections bien identifiées. Dans les années 1920, la radio est apparue et est devenue peu à peu un moyen important pour les gens pour s’informer et c’est à partir des années 1950 que la télévision a fait son entrée dans nos vies. Cela est bien connu.

Depuis les années 1980, c’est le Web qui est apparu comme nouvelle source de dynamisme de nos modes et de nos façons de s’informer, mais c’est au tournant des années 2000 que le Web 2.0 est devenu la locomotive de transformation que nous connaissons aujourd’hui.Web révolution Faut-il rappeler que le taux de branchement à la toile a grimpé de 17 % à 82 % entre 1996 et 2013 si l’on se fie aux données de l’Institut de la statistique du Québec? Aujourd’hui, près du trois quarts de la population est branchée sur le Web et c’est par cet outil que de plus en plus de gens s’informent.

L’un des changements fondamentaux qu’induit cette transformation c’est que de nos jours les journalistes et les médias n’ont plus le monopole de l’opinion puisque désormais il y a de nombreux « joueursnalistes-citoyens » qui tiennent un blogue et qui opinent sur tout et rien. Le journaliste français et fondateur de Médiapart, Edwy Plenel l’a bien compris : « L’irruption des blogues et des opinions de toutes sortes dans Internet nous [les journalistes] rappelle que l’opinion n’est pas notre privilège, que notre métier c’est d’abord l’enquête, le reportage et la mise en perspectives. Internet est un bouillonnement démocratique qui, loin de dissoudre le journalisme, nous rappelle à ce que nous devons faire » (cité dans Jocelyn Saint-Pierre, La Tibune de presse à Québec depuis 1960, Québec, Septentrion, 2016, p. 119.)

Ces bouleversements ne sont pas sans conséquence pour la qualité du dialogue dans l’espace public. C’est le règne de la superficialité comme le dit Ignacio Ramonet dans Le Monde diplomatique. Le constat que pose Ramonet est d’une criante lucidité et d’une actualité incontestable : « Beaucoup de lecteurs préfèrent la subjectivité et la partialité assumée des blogueurs à la fausse objectivité et à l’impartialité hypocrite d’une certaine presse. Les médias sociaux sont de redoutables contre-pouvoirs au regard de la classe politique et de tous les autres puissants dans le monde » (Ignacio Ramonet, « Médias en crise » dans Manière de voir, un numéro du Monde diplomatique, avril-mai 2005, p. 6).

Quand cela est bien compris, faut-il s’étonner qu’une entrevue donnée par une vedette de la télévision comme Julie Snyder enflamme le Web et conduit son ex-conjoint, ci-devant chef d’un parti au destin tragique, de démissionner dans la stupéfaction générale de son poste moins d’un an après son élection à ce poste?

Le Web 2.0 favorise l’expression d’opinions de tout un chacun sans filtres et cela conduit à un espace public balkanisé. Qu’importe les faits, le jugement de toutes ces opinions agglutinées a préséance. Ainsi, pour de nombreux participants de la toile, la démission de PKP est pour d’autres raisons que celles qu’il a données. La belle affaire. On glorifie l’ignorance au profit des faits. Il y a la matière à réflexion pour quiconque s’intéresse à la vitalité démocratique du Québec.

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