Nudité et espace public

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Date: 19 septembre 2017
Auteur: Daniel Nadeau

Les mœurs ont beaucoup évolué au Québec et au Canada. Nous sommes à l’époque où l’on débat du droit des femmes et des hommes de se promener torse nu dans des lieux publics. Tous les jours, nous pouvons avoir accès à des images scabreuses sur le NET où se côtoient le pire et l’abominable. Il faut miser sur l’éducation plus que sur l’interdiction pour éduquer nos enfants et nos petits-enfants.

C’est pourquoi je suis tombé en bas de ma chaise quand j’ai lu la nouvelle de la censure d’une œuvre d’Olivier Bonnard librement inspirée de La danse d’Henri Matisse être censurée par la Ville de Sherbrooke. Cela dépasse l’entendement.

J’étais moins étonné de constater que la conseillère Hélène Dauphinais était au centre de cette nouvelle controverse. S’exprimant aux journalistes de Radio-Canada, madame Dauphinais juge l’œuvre sexiste et explique que la Ville n’a pas pu donner son aval au croquis, comme le veut la politique ne place : « On a une commission des arts visuels qui n’a même pas pu se prononcer. On va lui demander de nous conseiller sur la pertinence de l’œuvre et sa valeur. »

Madame Dauphinais se réclame de son féminisme pour condamner la murale d’Olivier Bonnard inspirée d’Henri Matisse. Ce n’est pas rien. « Cette murale n’a tout simplement pas sa place au parc Victoria. “La féministe” en elle se dit “qu’encore une fois, ce sont des femmes nues qui sont présentées et qu’on y idéalise le corps de la femme”. De plus, elle ajoute que “cette nudité-là inciterait à venir faire des graffitis à caractère sexuel.” » (loc.cit.)

Cette conseillère a même pu compter sur l’appui de la très expérimentée conseillère Chantal L’Espérance. Les Sherbrookoises et les Sherbrookois auraient avantage en ce temps d’élection de se demander quelles sont les valeurs de celles et de ceux qui nous représentent au conseil municipal. Voulons-nous vraiment revenir au Code de censure qui prévalait au Québec de 1913 à 1963 et où on écrivait : « La nudité complète est toujours défendue qu’elle soit réelle ou en silhouette… Les costumes de danse doivent toujours être conformes au bon goût et inoffensifs à la décence. » (Pierre Hébert, Yves Leve et Kenneth Landry, Dictionnaire de la censure au Québec, Montréal, Fides, 2006, p. 158).

Ce qui est le plus dommageable dans cette affaire outre la transgression injustifiable de l’œuvre originale d’Olivier Bonnard, c’est la honte que nous devrions éprouver nous les Sherbrookois devant les agissements de notre Ville dans ce dossier. Nous pouvons devenir la risée du Québec. Comme si nous avions besoin que notre ville soit associée à la censure.

Heureusement, le président du Comité exécutif de la Ville de Sherbrooke, Me Serge Paquin, veillait au grain et a dénoncé avec vigueur cette gaffe monumentale des services « Je pense qu’il ne faut surtout pas devenir des censeurs de l’œuvre publique, ajoute M. Paquin. La liberté d’expression existe, particulièrement en art. Il y a un jugement à exercer, mais là je pense qu’on a poussé un peu loin le bouchon. Ce que je m’explique mal, c’est l’urgence avec laquelle on a procédé. On aurait très bien pu attendre lundi que l’événement se déroule, et ensuite se poser la question. Je suis à peu près convaincu que les membres du conseil municipal n’auraient jamais accepté d’altérer une œuvre publique comme celle-là, même s’il y a eu des failles au niveau de la communication. Ça demeurait une œuvre très acceptable, même dans un parc public », soutient l’élu.

La censure n’est plus de notre époque et j’espère que l’on profitera de ce faux pas pour prendre parti haut et fort pour la liberté d’expression dans cette ville qui en plus est une ville universitaire. Cela ne peut que susciter l’indignation que cette chasse aux sorcières d’une époque révolue.

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