Les visages de l’intolérance

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Date: 29 septembre 2017
Auteur: Daniel Nadeau

Comme bien d’autres résidants de la ville de Sherbrooke, j’ai été, tour à tour, étonné et stupéfait du brouhaha autour de l’œuvre de l’artiste Olivier Bonnard au parc Victoria. On se rappellera qu’un fonctionnaire de la ville sous la pression de « plaintes de provenance inconnue » avait demandé à l’artiste de corriger son œuvre parce qu’elle montrait des femmes musiciennes avec des seins nus.

Lors d’une séance du conseil municipal subséquente, nous avons eu droit à des explications plausibles et à un mea-culpa qui nous a réconciliés avec notre ville. Après tout, qui n’a jamais fait d’erreur? Or, un autre fonctionnaire de la ville de Sherbrooke récidive et annule un spectacle de musique de rap destiné aux jeunes sur la base d’un rapport de police. Ça fait deux événements similaires en moins de deux semaines.

Je veux bien être rassuré par les propos du maire de notre ville, monsieur Bernard Sévigny, et par ceux du président du Comité exécutif, monsieur Serge Paquin, mais je commence à trouver comme bon nombre de citoyennes et de citoyens que les coïncidences sont troublantes. On peut être sympathique aux explications sur les processus administratifs et avoir confiance à la bonne foi des gens impliqués, mais cela commence à ressembler à une certaine forme d’intolérance à la différence et à une chasse aux sorcières. Je serais tenté d’avancer l’hypothèse qu’au lieu d’être une affaire de processus c’est plutôt une affaire de valeurs et de culture.

Or, la ville de Sherbrooke qui est un tout petit milieu, un « village », fait montre depuis un certain temps d’une certaine forme d’intolérance qui s’exprime de diverses façons. Certains s’inquiètent de la présence de micromaisons dans leur quartier craignant pour la baisse de la valeur de leur propriété et du haut taux de roulement des occupants, d’autres ne souhaitaient pas voisiner des personnes du troisième âge dans leur quartier alors que des citoyennes et les citoyens font part de leur mécontentement quant aux bruits provenant d’activités musicales dans un coin ou l’autre de la ville. Sans compter les sagas concernant la turbulence des étudiantes et des étudiants dans certains quartiers et dans le transport en commun.

Certes, il serait exagéré de monter en épingle ces divers événements pour en conclure que Sherbrooke est la capitale de l’intolérance. Loin de moi cette idée. Néanmoins, tous ces faits pointent dans une même direction. Une montée d’un sentiment diffus pour refuser de partager l’espace public avec ce qui est différent de nous. Cela est préoccupant.

À une époque où nous devons plus que jamais apprendre à recomposer nos vies avec la différence, il me semble que nos élus devraient être fortement préoccupés par ces phénomènes. Si l’on ne veut pas tolérer les diverses formes d’expression artistique dans notre vie commune, comment serons-nous capables d’affronter le défi du métissage des populations?

Comme le reste du Québec, la population de notre ville vieillit et il faudra pour l’avenir se préoccuper de la coexistence d’une population jeune et dynamique, les étudiantes et les étudiants qui constituent 25 % de notre population, avec une population vieillissante. Il faut aussi ne pas prendre avec un grain de sel la question des valeurs portées par la fonction publique sherbrookoise. Ces valeurs doivent refléter celles de la population et être défendues par nos élus. Pour les connaitre, je sais pertinemment que ces faits troublants quant à l’affaire du parc Victoria et celle du spectacle musical de rap annulé ne reflètent aucunement les valeurs prônées et défendues par les membres de notre conseil municipal. Il est temps que la fonction publique en soit avisée et qu’elle en prenne acte. Les visages de l’intolérance sont toujours insidieux. Il faut prendre bien soin de les tenir loin de notre vie commune.

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