L’espace public et le voile de l’ignorance

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Date: 24 octobre 2017
Auteur: Daniel Nadeau

Après plus de dix ans de tergiversations, les membres de l’Assemblée nationale du Québec ont enfin adopté un projet de loi sur la laïcité et la neutralité de l’État québécois, la loi 62. Par cette loi, le gouvernement du Québec rend illégal le visage couvert pour donner ou recevoir des services de l’État et il vient chercher à baliser par des principes les demandes d’accommodements raisonnables.

Après la Commission Bouchard-Taylor, le traumatisme de la Charte des valeurs du PQ, on aurait pu s’attendre à mieux de notre Assemblée nationale. Au fond, ce qui est en cause c’est un malaise persistant de la majorité des Québécoises et des Québécois avec des phénomènes étrangers à leur culture. On peut s’interroger sur les motifs qui poussent une société comme la nôtre à chercher à créer une police de la burka dans la prestation des services à la population y compris dans les municipalités du Québec. Ainsi, une personne ayant le visage couvert ne pourrait selon cette nouvelle Loi de l’Assemblée nationale du Québec se déplacer en transport en commun, payer son impôt foncier auprès de sa municipalité ou emprunter un livre à la bibliothèque municipale de sa localité. C’est dément!

Non seulement cela vient-il brimer le droit des femmes et des hommes à s’habiller et à se vêtir comme elles ou ils le souhaitent, mais en plus cela ne concerne presque personne. Il y a une vieille expression anglaise qui dit que l’on ne répare pas ce qui n’est pas brisé. Voilà un exemple où notre Assemblée nationale contrevient à ce principe. Pire encore, en s’attaquant nommément à la burka et au tchador, sans les nommer, le gouvernement vient ajouter des brimades à l’égard de femmes qui ont plus besoin, dans bien des cas, de notre empathie que de notre coercition. On peut saluer la réaction du maire Coderre et du président de l’UMQ, Bernard Sévigny, qui se sont élevés contre cette loi inique et inapplicable.

Je suis d’accord avec le fait qu’il fallait encadrer les demandes d’accommodements raisonnables surtout de nature religieuse. J’opine aussi du bonnet quand il est question d’exiger que celles et ceux qui donnent des services au nom de l’État ne portent pas de signes religieux ostentatoires. J’aurais même été ouvert à une discussion quant au fait que ce principe puisse s’étendre aux personnes en autorité comme le stipulait le rapport de la Commission Bouchard-Taylor. Je suis cependant en complet désaccord avec le fait que notre gouvernement décide de légiférer sur les vêtements que peuvent ou non porter les citoyennes et les citoyens du Québec dans l’espace public. Où s’arrêtera une telle dérive? Moi je n’aime pas les gens qui portent des casquettes dans l’espace public, doit-on les interdire? Celles et ceux qui en ont contre les tatouages vont-ils revendiquer à leur tour que l’on bannisse les tatous? On sent le ridicule de positions voulant règlementer la façon de se vêtir. Ridicule qui mène à la dictature.

Les dictatures sont toujours possibles. J’y faisais allusion dans un billet publié sur ce blogue en marge de la dystopie de Margaret Atwood sur un avenir possible des États-Unis où les femmes sont reléguées à leur rôle de reproduction. Possible, mais pas souhaitable. Il faut dénoncer cette loi cherche à séduire l’ignorance de certains d’entre nous et à nourrir une forme d’islamophobie.

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