Débattre dans l’espace public

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Date: 13 novembre 2017
Auteur: Daniel Nadeau

Au lendemain d’élections municipales et de nombreux débats publics sur l’UPAC, la culture du viol et la pertinence de notre système de justice, la question se pose : Savons-nous débattre au Québec? C’est la question que pose la revue Argument dans son dernier numéro automne ─ hier 2017-2018 qui coïncide avec son 20e anniversaire.

Avant tout, rappelons que la revue Argument, fondée en 1998, est : « … une revue généraliste de débats et d’idées. Sans être un magazine d’actualités, elle n’est ni une revue universitaire ni une revue spécialisée ou scientifique. Tout en respectant un niveau d’exigence élevé au plan intellectuel, elle vise la publication de textes qui éclairent le public cultivé sur les grandes questions qui touchent la société contemporaine au Québec et ailleurs. La revue paraît deux fois par année, et chaque numéro présente des essais sur des sujets variés touchant la politique, l’histoire, la société et la culture. Argument n’est pas une revue de combat. Elle n’est pas alignée sur un parti ou une idéologie politique. Elle accueille de manière ouverte différents points de vue qui ne correspondent pas toujours à l’opinion des membres du comité de rédaction. Cela ne veut toutefois pas dire qu’Argument soit sans visage. Au fil des ans, la revue s’est fait l’écho d’une sensibilité intellectuelle nouvelle au Québec qui a surgi à la fin des années 1990. Afin de cerner et d’explorer cette nouvelle sensibilité, la revue privilégie la forme de l’essai argumenté et engagé. La revue Argument a été publiée deux fois l’an par les Presses de l’Université Laval de 1998 à 2011. Elle est maintenant publiée, au même rythme, par les Éditions Liber. La revue est disponible en kiosque, ou par abonnement. » J’y suis abonnée depuis très longtemps.

Cette revue soulève avec grande pertinence des débats importants pour la société québécoise. Le numéro du 20e anniversaire ne fait pas autrement. Lisons certains extraits de la présentation de ce numéro par François Charbonneau et Patrick Moreau :

« Le débat ne se porte pas bien. La faute en incombe, au choix : aux réseaux sociaux et à l’internet qui enferment chacun dans des communautés affinitaires, fractionnant l’opinion publique en autant de tribus adossées à des convictions d’autant plus inébranlables qu’elles n’ont guère l’occasion d’être remises en question; ou alors à un retour en force, en ce début de vingt et unième siècle, des idéologies qui n’avaient bien sûr jamais totalement quitté la scène, mais dont on pouvait croire, suite à la chute du communisme, qu’elles relâcheraient quelque peu l’emprise manichéenne qu’elles exerçaient sur les esprits; peut-être aussi, tout simplement, à cette conviction d’avoir raison qui s’enracine au plus profond de la psyché individuelle et qui transforme au final la plupart de nos discussions, même argumentées, en dialogue de sourds.

Nous préférons ainsi trop souvent, à la confrontation rigoureuse des idées, l’anathème, la petite phrase assassine qui envoie l’adversaire dans les cordes, l’amalgame pervers qui disqualifie automatiquement son opinion et le contraint à adopter une position défensive, quand ce n’est pas le silence, qui s’attache à ignorer superbement le point de vue opposé, à faire un peu hypocritement comme s’il n’existait pas. Quelle que soit l’attitude privilégiée, le discours adverse n’est que rarement sérieusement discuté, pris en compte pour lui-même, n’offrant au mieux, à travers une caricature que matière à dérision ou à une dénonciation virulente. ». Revue Arguments, politique, société et histoire, vol. 20, no 1, automne-hiver 2017-2018, Montréal, Liber, p. 3.)

Je ne sais pas vous, mais moi je reconnais dans ces propos plusieurs fautes que je retrouve sur les réseaux sociaux que je fréquente. Cela fut particulièrement vrai pour l’excellent réseau MSD sur la politique municipale animé d’une main de maître par Vincent Beaucher. Malgré ses efforts, on aura eu droit à de nombreux travers sur ce groupe d’échanges au cours de la dernière campagne électorale à Sherbrooke.

Pourtant, en cela je joins ma voix aux auteurs de la revue Argument n’est pas souhaitable pour qui veut véritablement des débats démocratiques et une opinion publique pleinement informée. Lisons encore nos auteurs Charbonneau et Moreau : « Et c’est dommage; car il convient de rappeler cette évidence que le débat est fondamental en démocratie, régime dans lequel l’opinion publique doit être dûment informée et instruite afin de pouvoir faire des choix éclairés, tout comme il l’est d’ailleurs dans le domaine de la réflexion et des idées, puisqu’on ne peut éprouver la pertinence et la cohérence des hypothèses que l’on formule, comme la solidité de ses arguments qu’en les exposant au jugement d’autrui, donc en acceptant de débattre avec lui. » (Ibid. p. 3-4)

Il faudrait bien que l’on réapprendre à débattre au Québec…

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