L’affaire Gilbert Sicotte : la forme qui trahit le biais journalistique

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Date: 20 novembre 2017
Auteur: Daniel Nadeau

Nous avons tous entendu cette triste histoire où d’anciennes étudiantes et d’anciens étudiants ont dénoncé le harcèlement dont elles et ils auraient été victimes de la part de leur ancien professeur, le comédien de grand talent, Gilbert Sicotte. Depuis, l’espace public québécois regorge de commentaires sur cette affaire Sicotte. Le chroniqueur Richard Martineau du Journal de Montréal en a même fait l’icône d’une nouvelle série de chroniques mettant en vedette Léo le petit lapin. D’autres chroniqueuses comme Lise Ravary et Denise Bombardier s’interrogent à haute voix sur la résilience de ces jeunes enfants rois face au monde qui les attend.

Les étudiantes et étudiants actuels du comédien Gilbert Sicotte ont pris publiquement la défense de leur enseignant sans pour autant dénigrer les dénonciations, mais demandant qu’on laisse la chance au coureur et que l’on permette à monsieur Sicotte de continuer à contribuer à leur formation actuelle à l’École nationale de théâtre. Cela fait beaucoup de bruit autour d’une méthode d’enseignement ou d’attitudes face à un art difficile par ailleurs à transmettre, celui du théâtre où l’émotion est la matière première des individualités.

Je ne veux pas me prononcer sur le fond des choses. Je ne connais pas le dossier. Je m’abstiendrai donc de juger ex cathedra les faits en cause. Néanmoins, je suis un peu interloqué par la forme qu’a pris le reportage à la société Ici Radio-Canada sur cette affaire. Un reportage de plus de huit minutes, discuté lors de l’émission 24/60 avec analystes et tout et tout c’est donner à ce sujet une importance relative aussi grande que l’on a pu le faire avec les affaires Gilbert Rozon et Éric Salvail. N’est-ce pas un brin exagéré? J’ai lu comme plusieurs d’entre vous les justifications du service de l’information de Radio-Canada qui a expliqué que c’était un sujet d’intérêt public puisque l’École nationale de théâtre est financée à même les fonds publics. J’en suis.

Néanmoins, le ton et le format du traitement de cette nouvelle qui n’en est peut-être pas une donnent la désagréable impression que nous sommes ici devant un « harceleur » méritant la réprobation du public. Jusqu’à présent, les commentaires que j’ai pu lire sur cette affaire ne justifient pas le ton et la forme du traitement que Radio-Canada a choisi de donner à cette nouvelle. C’est profondément troublant.

Je crois pour ma part que celles et ceux qui ont pris la décision « d’inventer une affaire Gilbert Sicotte » ont participé au grand mouvement à la mode du « moi aussi », « je dénonce tous les abus », et « tolérance zéro pour les harceleurs de tout acabit ». Il est indéniable qu’il est sain que toutes les victimes d’abus dénoncent leurs agresseurs surtout en matière sexuelle. Les affaires Rozon et Salvail et toutes celles à venir doivent contribuer à une prise de conscience collective qui permettra d’éradiquer ces gestes odieux de l’ADN de la société québécoise. Se peut-il cependant que dans l’ivresse du moment, il puisse s’y glisser des bavures déplorables qui viennent jeter un ombre sur ce grand mouvement émancipateur? Ma réponse est un retentissant Oui. Je classe l’affaire Gilbert Sicotte dans cette case. Jamais on n’aurait dû écrire qu’il existe une affaire Gilbert Sicotte. Radio-Canada a injustement traîné dans la boue et porté au pilori une personne qui aurait peut-être mérité, cela reste à démontrer, de ne pas voir son contrat être renouvelé avec l’École nationale de théâtre pour des raisons d’incompatibilité de sa vision avec celle des nouvelles générations des Léo les petits lapins, mais sûrement pas d’avoir un traitement le mettant symboliquement sur le même pied que Gilbert Rozon et Éric Salvail. Tout ce qui est exagéré devient insignifiant disait Tayllerand…

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