L’opinion québécoise et le Parti québécois

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Date: 7 décembre 2017
Auteur: Daniel Nadeau

La publication ce dernier weekend d’un sondage Léger dont les résultats mettent la Coalition Avenir Québec en tête devant les libéraux s’il y avait eu la tenue d’une élection générale la semaine dernière au Québec ne sont guère étonnants. Ce qu’il y a de plus étonnant dans ces résultats, c’est le piètre résultat du Parti Québécois de Jean-François Lisée qui arrive loin derrière la CAQ chez les francophones. Dans la région de Québec, c’est dévastateur, la CAQ a quasi un électeur sur deux en sa faveur (48 %). Le PQ, quant à lui, fait un piètre résultat avoisinant ceux de Québec Solidaire quant à la popularité des chefs et étant à 8 % de cette formation politique marginale plutôt implantée à Montréal.

Avec son 19 %, le Parti québécois de Jean-François Lisée flirte dangereusement avec la concrétisation de la thèse du défunt politologue de l’Université Laval, Vincent Lemieux, qui opinait que le PQ était un parti générationnel et qu’il était appelé à disparaître avec la génération qu’il l’avait porté depuis sa fondation. Thèse qu’a reprise à son compte le politologue Jean-Herman Guay de l’Université de Sherbrooke.

Quoi qu’il en soit, il faut user de beaucoup de prudence avant de divulguer les révélations de sa boule de cristal quand on est commentateur politique. Il ne suffit que de rappeler toutes les prévisions de ces mêmes commentateurs quant à l’élection d’Hillary Clinton à la présidence américaine l’année dernière. Bon, je sens que vous êtes convaincu.

Il est vrai que le PQ se cherche et qu’il a de la difficulté à se définir depuis qu’il a décidé de reléguer aux oubliettes temporaires le projet qui a présidé à sa fondation soit la réalisation de la souveraineté du Québec. Il faut dire que les débats sur cette lancinante question ne sont pas d’aujourd’hui. Dans un livre récent, le politologue et historien, Jean-Charles Panneton, fait le récit du gouvernement Lévesque. Dans un premier tome, il parle de la naissance du Mouvement souveraineté association jusqu’à la prise de pouvoir en 1976.

Dans le second tome, il parle du premier mandat du gouvernement Lévesque jusqu’au référendum. Il nous décrit un gouvernement réformiste qui multiplie les réformes dans la société québécoise. De nombreux gestes d’affirmation nationale. Une époque d’espoir au Québec et où le gouvernement du Québec était vu comme le principal défenseur de la nation québécoise en Amérique du Nord.

Ce récit de Panneton nous fait comprendre que le Parti Québécois de René Lévesque a laissé un important legs politique au Québec. Mais malgré que ce gouvernement passe pour l’un des meilleurs gouvernements de toute l’histoire du Québec, les critiques fusaient à l’époque de son aile progressiste et plus radicale cantonnée dans les comtés de Montréal-Centre, aujourd’hui bastion de Québec solidaire. Voici ce que déclarait Louise Harel au dernier jour du congrès de 1979 : « Certains croient que notre parti devrait demeurer dans l’ombre puisqu’il est au pouvoir et que toute déclaration de sa part risquerait de créer des rumeurs de dissension et d’inquiéter les électeurs. Pourtant, ce qui risque d’inquiéter bien davantage nos électeurs, c’est l’idée qu’au pouvoir nous serions devenus un parti moins transparent, plus ajusté aux sondages qu’au projet sur lequel nous nous sommes fait élire. En définitive, un parti moins accueillant et réceptif aux idées et valeurs nouvelles qui émergent dans notre société. » (Jean-Charles Panneton, Le gouvernement Lévesque. Du temps des réformes au référendum de 1980, Tome 2, Québec, Septentrion, 2017, p. 243-244).

Cette déclaration de Louise Harel démontre bien les tensions dynamiques qui ont toujours habité le Parti Québécois. Cela n’a pas beaucoup changé à notre époque.

Mieux encore, Louise Harel avait aussi ajouté ceci : « Avoir le courage de ses opinions, c’est nous présenter devant les Québécois, tant au référendum qu’à la prochaine élection, tels que nous sommes, c’est-à-dire une formation qui prône l’indépendance nationale et la justice sociale. Rappelons-nous que nos adversaires seront toujours plus forts que nous pour flatter l’instinct conservateur de certaines catégories de nos concitoyens. Nous ne gagnerons rien à dissimuler nos idées alors que nous avons tout à gagner à les expliquer. » (Loc. cit.)

Prémonitoires les propos de madame Louise Harel, ils épousent quasi parfaitement la situation actuelle dans laquelle se retrouve le Parti Québécois et son chef Jean-François Lisée. Le Parti québécois s’est intoxiqué à la lecture des sondages et cela lui a servi de boussole politique pour déterminer ses stratégies. Dans cela, il a perdu son identité propre et il est devenu une boutique sans particularités et sans marchés de niches. À vouloir être à tous et à toutes, on n’est plus rien. C’est dommage pour ce grand parti et encore plus pour le Québec, car nous aurons toujours besoin de la présence de la souveraineté libératrice pour faire notre place au Canada. Québec solidaire malgré son caractère sympathique est en porte-à-faux avec de nombreuses valeurs québécoises dont son appartenance au libéralisme. En ce sens, la disparition annoncée du Parti québécois serait une très mauvaise nouvelle pour les Québécoises et les Québécois.

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