Les grandes figures oubliées de l’espace public québécois

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Date: 6 mars 2018
Auteur: Daniel Nadeau

Germaine Guèvremont

Les Presses de l’Université de Montréal ont entrepris de publier une édition critique des œuvres de Germaine Guèvremont dans sa collection Bibliothèque du Nouveau Monde. Si l’on a retenu le nom de Germaine Guèvremont pour ses romans Marie Didace et Le Survenant, deux véritables chefs-d’œuvre qui sont devenus des classiques de la littérature québécoise, il n’en demeure pas moins que l’œuvre de Germaine Guèvremont est beaucoup plus vaste. Elle a écrit une œuvre colossale qui comprend aussi En pleine terre et de nombreuses séries réalisées pour la radio et la télévision.

C’est en 1945 que le monde des lettres et le public québécois découvriront deux nouvelles romancières qui auront un succès immense auprès des lecteurs d’ici ou d’ailleurs. C’est cette année-là, où la Deuxième Guerre mondiale s’achève, que Gabrielle Roy publiera son roman Bonheur d’occasion et que Germaine Guèvremont se fera connaître par son roman Le Survenant. Ces deux romans connaîtront un succès national et international.

La parution de ces romans est un événement marquant pour la littérature québécoise. D’une part, ils marqueront une année repère concernant la place des femmes dans la littérature québécoise qui à partir de là prendront la place qui leur revient. D’autre part, la parution la même année du dernier grand roman du terroir Le Survenant en même temps que le premier vrai roman du Québec urbain marquera l’imaginaire littéraire québécois. Enfin, la carrière de Germaine Guèvremont coïncide avec l’explosion de la paralittérature stimulée par l’apparition du média de la radio (CKAC en 1923 et Radio-Canada en 1936).

Germaine Guèvremont est un bon exemple de l’apparition de ce phénomène. Elle aura une production boulimique et sera tour à tour chroniqueuse et journaliste. Puis, elle écrira des contes et des nouvelles dans les journaux avant de devenir une romancière et une adepte des feuilletons radio et plus tard télévisés. En ce sens, le parcours de Germaine Guèvremont sera fort différent de celui de Gabrielle Roy. Alors que Gabrielle Roy sera clairement intégrée à ce que nous pouvons appeler l’Institution littéraire, Germaine Guèvremont aura un parcours plus éclectique et elle n’hésitera pas à exercer son grand talent dans des genres différents du roman en écrivant dans des journaux, pour la radio et pour la télévision.

Paradoxalement, cette modernité de la pratique de la littérature chez Germaine Guèvremont est inscrite dans une vision conservatrice de la société et dans les sentiers de la littérature du terroir. C’est un fait étonnant que l’on peut relier à son réseau notamment familial puisqu’elle était cousine de Claude-Henri Grignon, l’auteur d’Un homme et son péché et l’un des représentants les plus achevés de cette littérature dite du terroir.

Quoi qu’il en soit, il n’est pas sans intérêt de se rappeler à la mémoire la grande auteure que fut Germaine Guèvremont pour notre littérature. Celles et ceux qui veulent découvrir cette œuvre sont invités à parcourir l’édition critique de son œuvre publiée à la fois sur support papier et numérique mise en chantier par les Presses de l’Université de Montréal. Il s’agit des livres suivants : David Décarie et Lori Saint-Martin, Germaine Guèvremont, Œuvres de fiction 1. Édition critique. Tu seras journaliste et autres œuvres sur le journalisme, (Collection Bibliothèque du Nouveau Monde Montréal), Presses de l’Université de Montréal, 2017, 244 p. et David Décarie et Lori Saint-Martin, Germaine Guèvremont. Le cycle du Survenant 1. En pleine terre et autres textes, (Collection Bibliothèque du Nouveau Monde) Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2017, 420 p.

Germaine Guèvremont est décédée en 1968 avant d’avoir eu le temps d’écrire ses mémoires. Elle demeurera un mystère pour nous quant à sa relation avec les transformations que le Québec connaîtra à partir des années 1960. Néanmoins, elle figure parmi les premières femmes ayant vécu de la littérature au Québec. À ce titre, elle mérite d’être rappelée à nos bons souvenirs.

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