Politique étrangère canadienne, une vaste opération de relations publiques

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Date: 5 avril 2018
Auteur: Daniel Nadeau

Nous n’apprendrons rien à personne. La politique étrangère d’un pays est rarement l’objet de passions des populations et elle ne suscite guère l’intérêt des citoyens et des médias sauf en temps de crise ou de catastrophe. Pourtant, s’il y a un sujet passionnant c’est bien la politique étrangère d’un pays comme le Canada. Si vous voulez en être convaincus, je vous suggère la lecture du livre de Jocelyn Coulon intitulé : Un selfie avec Justin Trudeau. Regard critique sur la diplomatie du premier ministre qui vient à peine de paraître et qui s’avère un véritable coup de poing à l’image de Justin Trudeau. Même si ce livre ressemble à un règlement de compte politique en règle, il n’en demeure pas moins un texte informé, appuyé et étonnamment instructif sur la politique étrangère canadienne.

De l’avis de Jocelyn Coulon, la politique étrangère poursuivie par le premier ministre Justin Trudeau depuis son élection est beaucoup plus une affaire de relations publiques et d’apparence que de convictions. Jocelyn Coulon tient des propos très durs à l’endroit de Justin Trudeau : « Si on en juge par la direction empruntée par le gouvernement Trudeau depuis son arrivée au pouvoir, il y a loin de la coupe aux lèvres. Sur plusieurs aspects de son programme de politique étrangère, les décisions s’éloignent à ce point des intentions originelles que le résultat ne crée pas une rupture avec l’ancien gouvernement conservateur, mais bien une continuité. Et, actuellement, aucune initiative internationale ne porte le sceau du premier ministre. “Le Canada est de retour” risque de se révéler ce qu’il était : un slogan. » (Jocelyn Coulon, Un selfie avec Justin Trudeau. Regard critique sur la diplomatie avec le premier ministre, Montréal, Québec-Amérique, 2018, p. 4).

Dans ce livre, on pourra y voir les efforts du Canada pour regagner son siège au Conseil de sécurité, les errances de notre gouvernement en matière de politique à l’endroit d’Israël et la situation en Palestine, les atermoiements de notre politique en Afrique, les mauvaises relations entre l’ancien ministre aux Affaires étrangères Stéphane Dion et le premier ministre Justin Trudeau conduisant à son congédiement, l’enjeu des Casques bleus, le retour à l’internationalisme libéral et plusieurs autres sujets. C’est un livre passionnant que j’ai dévoré en partie hier, j’en ai lu les deux tiers. Néanmoins, il faut reconnaître que c’est un livre passionnant et intéressant qui aide à mieux comprendre notre politique étrangère.

S’il est vrai que le Canada voulait être de retour et rompre avec les politiques du gouvernement conservateur de Stephen Harper, il semble, selon Coulon, que ce n’est pas le cas. Les attaques de Jocelyn Coulon à l’endroit de Justin Trudeau ne viendront pas convaincre celles et ceux qui trouvent qu’il fait preuve d’une excellente performance à l’égard du phénomène Trump et de notre politique envers les États-Unis d’Amérique. Ils seront plus faciles à convaincre ceux et celles qui voient le dernier voyage du premier ministre canadien en Inde comme une catastrophe. Chose certaine, Jocelyn Coulon a écrit un livre qui fera parler de lui et qui nous présente la politique étrangère comme une vaste opération de relations publiques.

Jocelyn Coulon insiste sur un point qui apportera beaucoup d’eau au moulin à sa thèse anti-Justin en matière d’affaires étrangères et qui est son talon d’Achille : « Trudeau a une conception particulière du pouvoir. Il adore le contact physique avec les gens où, écrit-il dans son autobiographie Terrain d’entente, il apprend leurs désirs et leurs aspirations. Cette médaille a un revers. Il passe peu de temps à potasser les dossiers, à s’imprégner du fond des choses. Il règne plus qu’il ne gouverne. Il adore aussi l’image qu’il projette dans le monde grâce aux selfies auxquels il se prête et aux entrevues qu’il accorde aux médias plus mondains comme les magazines Paris Match ou Vogue. Ce sont des médias, dit-il, indispensables à la bonne gouvernance démocratique. Le premier ministre n’a pas tort. Il est important de communiquer. Encore faut-il ne pas confondre les idées avec les images. À force d’être prisonnier des images, on finit par oublier les idées. En politique étrangère comme en politique intérieure. » (Jocelyn Coulon, Ibid. p. 5)

Voilà, tout est dit. Justin Trudeau prisonnier de son image. Cette idée risque d’être reprise…

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