Les grandes figures oubliées de l’espace public québécois et canadien

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Date: 12 juin 2018
Auteur: Daniel Nadeau

Henri Bourassa

Ces dernières semaines, le journal Le Devoir s’est refait une beauté en présentant un tout nouveau visage à ses lecteurs. Même si ce quotidien a été fondé en 1910, ce quotidien garde toujours une grande influence sur la société québécoise et même canadienne surtout auprès des élites politiques et des décideurs économiques. Quelle merveilleuse occasion pour souligner dans ces pages son fondateur, Henri Bourassa! Rappelons certains faits d’armes de cet immense personnage de l’histoire politique canadienne malheureusement trop souvent oublié.

Henri Bourassa, écrit Réal Bélanger dans sa biographie pour le Dictionnaire biographique du Canada, est un « homme politique, journaliste, propriétaire, rédacteur en chef et directeur de journaux, et auteur, né le 1er septembre 1868 à Montréal, fils de Napoléon Bourassa et d’Azélie Papineau; le 4 septembre 1905, il épousa à Sainte-Adèle, Québec, sa petite-cousine Joséphine Papineau, et ils eurent huit enfants, dont six survécurent à leur père; décédé le 31 août 1952 à Montréal ».

Pour décrire cet homme en peu de mots, il faudra d’abord dire que c’était un homme de convictions et d’idées. Il était prêt à combattre férocement tous ses adversaires pour ses idées. Le chef du Parti libéral du Canada, au début du 20e siècle, Wilfrid Laurier l’a vécu personnellement quand il a vu son député démissionné avec fracas parce qu’il refusait alors de rallier la position de son chef Laurier et des libéraux au sujet de la participation du Canada à l’effort de guerre en Afrique du Sud. Bourassa prit alors la tête de nationalistes québécois qui refusaient les dictats de l’Empire britannique. Ce n’est pas par pacifisme qu’Henri Bourassa s’opposa à la guerre des Boers, mais plutôt par volonté d’affirmation de la souveraineté du Canada vis-à-vis la couronne britannique.

Henri Bourassa fut aussi de tous les combats pour défendre la langue française. Il défend avec âpreté les minorités francophones, mais il est actif sur le plan politique et il doit souvent avaler des couleuvres et rentrer dans le rang sous le charme et le charisme de son chef Wilfrid Laurier. Bourassa se fit complice à l’entente boiteuse du « Règlement Laurier-Greenway » du nom des deux premiers ministres impliqués, qui venait retirer les droits scolaires des francophones du Manitoba. Par son concours à cette opération politique, Henri Bourassa se mit en rupture avec l’une de ses idées phares d’un Canada biculturel. L’entente se résumait à des expédients qu’Henri Bourassa avalisait par des raccourcis qui ne sont pas son habitude. C’est dire que même les grands personnages de notre histoire ne sont pas sans défauts.

Outre sa croyance au biculturalisme, sa méfiance à l’égard de l’Empire britannique, sa promotion et sa défense de la langue française, Henri Bourassa était un catholique fervent. Au moment du Congrès eucharistique international de 1910 à la Basilique Notre-Dame à Montréal réunissant trois cardinaux, sept cents évêques et dix mille religieux sous le leadership de l’archevêque de Montréal de l’époque, Mgr Paul Bruchési, Bourassa profita de l’événement pour dénoncer la volonté de l’Église d’imposer la langue anglaise à tous les catholiques d’Amérique. Cet événement se tenait avec pour toile de fond les controverses suscitées par les coups portés aux droits des minorités hors Québec. Alors que tout le monde présent marchait sur des œufs et n’osait pas aborder cette question, le puissant et habile orateur Henri Bourassa fit une déclaration fracassante qui a marqué les esprits de l’époque et qui est passée à l’histoire. La voici : « Sa grandeur demande au nom des intérêts des catholiques, de faire de la langue anglaise l’idiome habituel dans lequel l’Évangile serait annoncé et prêché au peuple. Il faut laisser aux catholiques de toutes les nations qui abordent sur cette terre hospitalière du Canada le droit de leur race, de leur pays, la langue bénie du père et de la mère. N’arrachez à personne, ô prêtre du Christ, ce qui est le plus cher à l’homme après le Dieu qu’il adore. Permettez-moi de revendiquer le même droit pour mes compatriotes qui parlent ma langue sous l’aile maternelle de l’Église du Christ qui est mort pour tous les hommes et qui n’a imposé à personne l’obligation de renier sa race pour lui rester fidèle. » (Lucien Bouchard, Henri Bourassa dans André Pratte et Jonathan Kay, Bâtisseurs d’Amérique. Des Canadiens français qui ont fait l’histoire, Montréal, Les éditions La Presse, 2016. P. 103)

Catholique fervent, nationaliste, adepte du biculturalisme canadien, méfiant à l’égard de la couronne britannique et chef de file des nationalistes, ce puissant orateur et cet intellectuel de premier plan était d’abord et avant tout un homme intègre qui voulait lutter contre tous les coquins. Il en fit même la devise du quotidien Le Devoir qu’il fonda en 1910.

Henri Bourassa est un personnage singulier de notre histoire et qui mérite d’être connu.

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