Espace public et imprimé

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Date: 6 mai 2019
Auteur: Daniel Nadeau

J’évoque souvent le nom de Jurgën Habermas quand je vous entretiens sur ce blogue d’espace public et d’opinion publique. Cela va de soi. C’est lui dans son livre L’espace public qui a développé le concept même d’opinion publique qui est souvent utile pour décrire l’actualité dans le monde contemporain.

De nombreuses études spécialisées lient les concepts d’espace public et d’opinion publique à l’imprimé. Qui dit imprimé, dit imprimerie. Savez-vous dans quelle ville des Cantons de l’Est et en quelle année a été ouverte la première imprimerie? La plupart des gens se risqueront à répondre Sherbrooke, car c’est la plus grande ville des Cantons de l’Est aujourd’hui. Est-ce votre opinion? Si vous répondez oui, vous avez tort.

La première imprimerie de la région des Cantons de l’Est a été implantée à Stanstead en 1823. C’est un dénommé Silas Horton Dickerson, un Américain originaire du New Jersey, qui a implanté cette première imprimerie. Jeune, il a immigré au Canada et a œuvré comme apprenti imprimeur à Kingston dans le Haut-Canada et comme typographe à Montréal.

L’implantation d’une imprimerie à Stanstead en 1823 était la quatrième au Québec. On retrouvait alors des imprimeries dans les villes de Québec (1764), Montréal (1776) et Trois-Rivières (1815). Dickerson a ouvert cette imprimerie pour publier son journal le British Colonist and St-Francis Gazette, le premier journal dans les Cantons de l’Est.

Ce journal était réformiste au sens où il s’opposait au régime anglais et était favorable aux patriotes de Louis-Joseph Papineau. Il fut l’un des journaux au Bas-Canada qui a donné son appui aux quatre-vingt-douze résolutions du Parti patriote, ce qui déplaisait souverainement aux loyalistes présents en grand nombre dans les Cantons de l’Est. En 1834, Dickerson a accueilli Louis-Joseph Papineau à Stanstead à titre de président de l’Association des réformistes de la circonscription de Stanstead.

Non seulement Dickerson fut un patriote et un réformiste, mais il a aussi couplé son imprimerie d’une bibliothèque de prêts de livres privés. Ce personnage singulier de confession méthodiste a défendu bec et ongle la liberté de presse et il a été arrêté à trois reprises pour outrage au tribunal et emprisonné plusieurs semaines. Ses démêlés avec la justice jointes à ses dettes nombreuses, il était criblé de dettes, auront eu raison de ce libre penseur patriote du 19e siècle. Un groupe de marchands loyalistes de Sherbrooke l’ont contraint à vendre ses presses qui ont été transportées à Sherbrooke. Elles ont par la suite servi à imprimer le Farmer’s Advocate and Township Gazette, un journal dédié, sans étonnement, à combattre les idées réformistes. Le journal de Dickerson et sa bibliothèque de prêt de livres ont cessé leurs activités en 1834.

P. S. Les informations contenues dans ce billet sur Dickerson sont présentées dans le livre publié par le bibliothécaire à la retraite François Séguin chez Hurtubise. François Séguin, D’obscurantisme et des lumières. La bibliothèque publique au Québec des origines au 21e siècle, coll. : « Cahiers du Québec, Histoire politique», Montréal, Éditions Hurtubise, 2016, 657 p. Les informations sur Dickerson sont tirées d’un résumé des faits donnés par l’auteur aux pages 71-72 au chapitre 3 « Bibliothèques commerciales de prêt, cabinet de lecture et chambre de nouvelles ».

 

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