Connaissez-vous Dominique Wolton ?

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Date: 22 avril 2020
Auteur: Daniel Nadeau

Dominique Wolton est un communicateur et chercheur réputé qui est directeur du Conseil national de la recherche scientifique à Paris. Docteur en sociologie, il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages et d’une centaine d’articles tout en étant un invité régulier de plateaux de télévision en France. Directeur de recherche au CNRS en sciences de la communication, il est spécialiste des médias, de l’espace public, de la communication politique, et des rapports entre sciences, techniques et société. Ses recherches contribuent à valoriser une conception de la communication qui privilégie l’homme et la démocratie plutôt que la technique et l’économie. Les recherches de Dominique Wolton explorent une dizaine de thèmes principaux : « l’individu ; la famille, les relations interpersonnelles ; le travail, la technique ; les médias, l’opinion publique ; l’espace public et la communication politique ; l’information et le journalisme ; Internet et le numérique ; l’Europe ; la politique, la culture, l’anthropologie ; la diversité culturelle et la mondialisation ; les langues romanes et les aires culturelles ; les rapports sciences-techniques-société ; l’information, la communication et l’épistémologie de la connaissance. » (Source : Wikipédia) Dans un article publié en 1992 dans la revue Hermès intitulé Les contradictions de l’espace public médiatisé, Wolton s’est intéressé à la question de l’espace public au 18e siècle.

L’espace public qui est né au 18e siècle a connu de nombreuses mutations depuis son apparition et dans la foulée d’une meilleure compréhension que nous en avons acquise à la suite de nombreuses études publiées sur le sujet. Dans cet article, Wolton cherche à comprendre ce que représentent ces changements à notre concept d’espace public pour la démocratie en lien avec le rôle prépondérant que peuvent y jouer les médias d’information. Dans l’article que nous avons lu, Dominique Wolton réfléchit : « aux caractéristiques théoriques de cet espace public contemporain, et notamment au rôle qu’y jouent les médias. » (p. 96) Il veut en examiner « un certain nombre de contradictions liées au fonctionnement de cet espace public élargi, caractéristique de la démocratie de masse. » (p. 96)

Cet examen, Wolton conclura à l’existence de dix contradictions majeures de l’espace public médiatisé élargi.

Pour Wolton, il est important de lire l’évolution du concept d’espace public à la lumière de ses caractéristiques où, affirme-t-il, « les liens symboliques sont beaucoup plus importants que les liens réels et concrets ». (p. 96)

Dans sa vision des choses, Wolton voit dans l’espace public médiatisé élargi une notion qui renvoie à « une société ouverte, urbanisée, dans laquelle les relations sociales sont marquées par l’organisation de masse, tant sur le plan du travail que celui de la consommation, des loisirs, de l’éducation. ». (p. 96) Il y voit une contradiction principale où nous devons gérer deux dimensions opposées : « une priorité accordée à tout ce qui facilite l’expression. L’identité, la libération de l’individu, plus que la personne d’ailleurs, et, en même temps, une société qui, sur le plan économique, politique et culturel repose sur l’échelle du grand nombre. » (P. 96) C’était d’ailleurs le thème principal de son livre intitulé L’Éloge du grand public. Pour l’auteur, le seul lieu pour gérer cette contradiction sans violence c’est par le biais de l’espace public médiatisé, lieu symbolique par excellence et où les médias jouent un rôle prépondérant dans une société démocratique de masse comme la plupart des sociétés occidentales. D’où son intérêt à mettre en lumière les principales contradictions de cet espace public médiatisé élargi afin d’en avoir une meilleure compréhension.

Il en ressort dix contradictions principales soit la tyrannie de l’événement, l’effet de bocal médiatique, la communication sans interdits, la standardisation, la personnalisation, l’identification de l’action et de la communication comme éléments en symbiose, la transparence, l’irénisme communicationnel, le village global et l’espace public sans frontières. Pour chacun de ces thèmes, Wolton nous expose les contradictions qu’il y voit à partir des caractéristiques de l’espace public médiatisé. Il n’est pas utile de débattre de chacun de ces thèmes dans le cadre de ce court compte-rendu qu’il me suffise de dire qu’à terme, Wolton note que la communication est devenue « … aujourd’hui la condition fonctionnelle et normative de l’espace public et la démocratie de masse, mais qu’elle ne peut à elle seule garantir la qualité du fonctionnement de cet espace public démocratique. Cet espace suppose aussi des valeurs politiques, qui sont relativement hétérogènes aux valeurs communicationnelles. » (p. 113)

Dans nos mots, Wolton trouve que l’espace public médiatisé de la démocratie de masse donne lieu à un nombre effarant de circulations de sujets et de débats, mais que les caractéristiques de cet espace rendent difficile la conciliation des valeurs ainsi exprimées dans l’espace public. En fait, il plaide pour que l’on puisse réconcilier espace public démocratique et espace public politique. Pour ce faire, il croit qu’il faut maintenir une saine distance entre ces éléments si l’on souhaite s’assurer du triomphe du modèle démocratique : « Le triomphe du modèle démocratique oblige à mieux distinguer ce que l’on souhaitait, au contraire, joindre hier. C’est à cette capacité à recréer une tension entre des valeurs complémentaires, mais structurellement antinomiques que l’on échappera à certaines dérives graves pour l’espace public médiatisé de la démocratie de masse. » (p. 113)

Enfin, il conclut que : « c’est pour préserver les conditions de fonctionnement d’un espace public élargi au sein d’une démocratie de masse largement médiatisée qu’il est souhaitable de maintenir, plus que par le passé, une différence de nature entre information, communication et action politique. » (p. 113)

L’espace public médiatisé décrit dans cet article par Dominique Wolton est le résultat concret de ce qu’anticipait Jürgen Habermas lorsqu’il évoquait la dégénérescence de l’espace public bourgeois et de la féodalisation du monde vécu dans une sorte de vassalisation. Les caractéristiques que craint Wolton dans cet article sont à mes yeux une manifestation concrète de ce qu’avait imaginé Habermas tout comme ce que nous a décrit Bagdikian dans le phénomène de la concentration de la propriété des médias et la convergence. L’espace public que je vais étudier dans ma thèse de doctorat soit la fin du 20e siècle sera un peu marqué par les phénomènes décrits dans ce texte.

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