Habermas et ses critiques sur l’espace public

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Date: 23 avril 2020
Auteur: Daniel Nadeau

Deux auteurs dirigent ce recueil publié en 2004 intitulé : After Habermas. New perspectives on the Public Sphere. Dans le cadre d’une monographie de la collection de la Sociological review, ce livre rassemble des essais qui viennent dialoguer avec l’œuvre de Jürgen Habermas et le confronte à des critiques et le fait entrer en dialogue avec d’autres théoriciens comme Mikhail Baktin, Pierre Bourdieu, John Stuart Mill et Honneth. Les différents auteurs cherchent à dépasser l’œuvre de Jürgen Habermas en le confrontant à de nombreuses critiques qui lui ont été faites depuis les années 1980. Ils cherchent aussi à dépasser l’œuvre d’Habermas en la soumettant à de nouveaux phénomènes comme l’apparition d’Internet, les nouveaux mouvements sociaux et les questions d’identité et de justice environnementale.

Nick Crossley est un professeur de sociologie à l’Université de Manchester en Angleterre alors que Michael Roberts est professeur à l’Université de Londres en communication. Outre ces deux auteurs, on retrouve aussi parmi les auteurs de contributions dans ce livre : James Bohman, professeur de philosophie à l’Université Saint-Louis aux États-Unis, Gemma Edwards étudiante au doctorat au département de sociologie de l’Université Manchester, le canadien Michael E. Gardiner, professeur de sociologie à l’Université Western Ontario, le professeur Ken Hirschkop en littérature anglaise à l’Université de Manchester et Lisa McLaughlin professeure de communication et en études féministes à l’Université de Miami et de l’Université de l’Ohio.

On retrouve ainsi dans le chapitre 1 le texte de Gardiner sur la sphère publique, une confrontation des idées d’Habermas et de Baktin sous la plume de Hirschkop qui souhaite remettre en perspective la théorie de l’espace public d’Habermas en fonction des perspectives de Baktin sur les voix polyphoniques et le concept d’hétéroglossie qui consiste à l’existence de variétés différentes dans un même code linguistique. Dans un autre chapitre, Roberts nous livre la pensée de John Stuart Mill sur le discours libre en lien avec le concept dialogique de Baktin. Crossley nous fait part des liens entre la pensée d’Habermas et de ses différences en le faisant dialoguer avec Bourdieu notamment dans une analyse sociologique des publics. Gemma Edwards aborde la question des publics subalternes négligés par Habermas selon elle à partir de l’angle des mouvements sociaux alors que Lisa McLaughlin aborde pour sa part la question du genre, du concept transnational, en lien avec le concept d’espace public d’Habermas. Même chose avec la contribution de Bohman qui voit dans le développement d’Internet et des médias sociaux les germes d’un espace public transnational.

Je ne veux pas ici résumer la contribution de chaque thèse des différentes contributions. Disons pour en faire un sommaire exécutif que la thèse centrale de ce livre est que la pensée de Jürgen Habermas est toujours d’actualité pour les auteurs de ce recueil, mais que de nombreux éléments de sa théorie doivent être critiqués, revus ou encore mieux remis au goût du jour en fonction de nouvelles avancées théoriques d’autres auteurs mis en dialogue avec Jürgen Habermas.

Pour bien comprendre le défi que cherchait à relever ces auteurs, il faut lire ce qu’en disait en début de ce recueil les éditeurs Roberts et Crossley : « Le livre a été rédigé dans le but d’approfondir et d’étendre le projet Habermasian à la fois par un engagement avec Habermas et, plus particulièrement, par la considération d’autres théories et cadres qui nous offrent différentes façons de problématiser et d’explorer la sphère publique. » (p. 1)

Au fond, les auteurs font comme Habermas lui-même et que nous citent les auteurs : « La sphère publique moderne comprend plusieurs arènes dans lesquelles, à travers des documents imprimés traitant de questions de culture, d’information et de divertissement, un conflit d’opinions est combattu de manière plus ou moins discursive. Le conflit n’implique pas simplement une compétition entre diverses parties de personnes privées vaguement associées dès le début, un public bourgeois dominant entre en collision avec un public » (Habermas, préface de la seconde édition L’espace public, Payot 1992)

Ce qui fait dire aux auteurs que : « Le travail d’Habermas critique de nombreuses questions et soulève de nombreux problèmes en soi. Il y a des problèmes quant à l’adéquation des différentes interprétations faites d’Habermas et en fait aussi des alternatives proposées. Le débat continue… Dans le même esprit de dialogue, les contributions de ce volume cherchent à apporter de nouvelles perspectives et idées à la sphère publique. » (p. 18)

Un livre fort instructif pour qui veut se coltailler avec la pensée complexe d’Habermas sur l’espace public et ses principaux critiques qui ont adopté diverses approches pour enrichir ce concept.

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