Retour sur l’affaire Claude Jutra

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Date: 23 février 2016
Auteur: Daniel Nadeau

La semaine dernière, j’ai écrit sur l’affaire Claude Jutra en affirmant que la crise avait été bien gérée par la ministre de la Culture, Hélène David, par Québec Cinéma et par le maire de Montréal. Dans mon court billet, je prenais parti pour les victimes et contestais le « timing » de la maison Les Éditions du Boréal pour avoir jeté le pavé dans la mare de la soirée des Jutra à un mois de l’événement. J’y prenais aussi parti pour les victimes en insistant sur le fait que c’est intolérable que toute la société ne dénonce pas d’une seule voix la violence des abus sexuels chez nos enfants.gestion de crise claude jutras

J’avais soigneusement évité de m’en prendre au comédien Marc Béland pour sa défense inconsidérée de Claude Jutra sur les ondes de Radio-Canada à l’émission 24/60. Cela était sans compter l’intervention oh combien malheureuse de Lise Payette qui dans sa chronique dans le journal Le Devoir a pris la défense de son « ami Claude Jutra » et où elle semblait confondre homosexualité et pédophilie. De nombreux commentaires sur les réseaux sociaux de tous les horizons sont aussi malheureux.

Cela ne fait que renforcer ma conviction bien ancrée qu’à l’ère des réseaux sociaux et des communications instantanées, il reste peu de place à la réflexion et à la tenue de débats réfléchis et argumentés dans notre espace public. Les gens veulent tous avoir une opinion et ils souhaitent que celle-ci ressemble le plus possible à celle du troupeau ambiant. C’est là un des grands paradoxes de notre époque. Jamais les tribunes n’auront autant favorisé la participation du plus grand nombre aux débats et en même temps on assiste à un appauvrissement navrant de la qualité des débats et à l’affadissement d’une pensée critique originale.

Par exemple, dans le sillon de ce débat sur Jutra, pourquoi ne pas interroger cette habitude que nous avons de fabriquer des héros? Pourquoi ne pas nommer les choses importantes pour nous tous par des noms génériques plutôt qu’au moyen d’hommages à des personnes? Pourquoi pas les prix Québec Cinéma plutôt que les prix Jutra ou Gilles Carle?

D’ailleurs, Claude Jutra a laissé une œuvre cinématographique importante et reconnue, mais celle-ci était-elle vraiment plus géniale que celle de Denys Arcand? Il est vrai que la reconnaissance de l’œuvre de Claude Jutra nous est venue d’ailleurs. Dans ces contextes, une société minoritaire comme la nôtre a la reconnaissance beaucoup plus facile. Si notre talent est reconnu par l’Autre cela doit bien être vrai.

Ce que rappelle fondamentalement l’affaire Jutra c’est que la modération a bien meilleur goût…

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