Les grands oubliés de l’espace public québécois

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Date: 4 avril 2018
Auteur: Daniel Nadeau

Étienne Parent

S’il y a un personnage qui est toujours présent dans nos vies et qui émerge de notre passé canadien c’est bien Étienne Parent. L’un des premiers intellectuels du Canada français avant l’apparition du vocable, Parent fut un journaliste, populiste avant l’heure, réformiste et modéré parmi les modérés. Il fut l’opposant du grand Louis-Joseph Papineau et à la source de l’ambivalence proverbiale des Québécoises et des Québécois d’aujourd’hui.

Né en 1802, Étienne Parent fut un grand avocat des institutions canadiennes, un ardent défenseur de l’éducation et de la liberté de presse. Rédacteur au journal Le Canadien, Étienne Parent s’est très tôt révélé comme un promoteur de la liberté de presse en s’opposant au journal officiel du Conseil exécutif du gouvernement britannique : « C’est que le papier du gouvernement et les papiers de l’administration n’imprimeront que les choses au soutien des mesures de l’exécutif, et que les papiers d’opposition seront les critiques des mesures de l’exécutif… La forme de notre gouvernement exige que le peuple en suive toujours la marche d’un œil attentif… Il réitère l’idée que la liberté anglaise est une liberté raisonnée et que celle d’écrire en est la base. La liberté de presse doit être le palladium, le bouclier de tous les droits civils, politiques et religieux des Anglais et des Canadiens… Rien n’échappe à l’opinion, cette reine du monde qui fait régner les rois et les détrône. » (Yvan Lamonde, Aux quatre chemins. Papineua, Parent, La Fontaine et le révolutionnaire Côté en 1837 et 1838, Montréal Lux éditeur, 2018, p. 53-54)

S’il fut un ardent partisan de la liberté de presse et de la constitution d’une opinion publique régulatrice de la puissance coloniale, Parent fut aussi un modéré parmi les modérés lors des troubles de 1837 et de 1838, la rébellion des Patriotes. Yvan Lamonde l’affirme : « Tenant de la réforme, comme les Anglais en 1688, il enjoint au Parti patriote de ne pas faire des démonstrations imprudentes au moment où, selon lui, le gouvernement se montre bien disposé. Pour Parent, les patriotes font montre d’un “faux patriotisme”, car ils sont prêts à vendre leur droit d’aînesse pour un plat de lentilles, à sacrifier la nationalité comme Parent la comprend pour la liberté avec le républicanisme et les États-Unis. Sa prise de distance d’avec Papineau et le Parti patriote est directement proportionnelle à leur radicalisation et au maintien de leurs positions… De Québec, il évalue que l’idée de séparation n’a pas eu de racines dans la masse et chez les esprits réfléchis. Il est temps pour la mère patrie de profiter de l’avortement du républicanisme. » (Yvan Lamonde, Ibid. p.141-142).

Étienne Parent a été le premier, le père du courant nationaliste modéré dans l’histoire de la nation québécoise. Il a toujours voulu défendre notre langue, nos institutions et notre culture par le renforcement de l’éducation, l’économie et de la liberté de presse. En ce sens, ce grand oublié de notre espace public a engendré de nombreux rejetons dans notre espace politique. Il y a des ressemblances entre cet Étienne Parent et le chef actuel de la Coalition avenir Québec, François Legault.

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